POUR EN FINIR AVEC CETTE HISTOIRE DE RACISME "ANTI BLANCS"
Un internaute a écrit que les eclavagistes qui maltraitaient les Africains "traitaient à peine mieux les Européens qui n'étaient pas de la même classe sociale qu'eux. C'était donc un racisme qui dépassait la couleur, à la limite les noires craignaient moins que les soubrettes blanches"
Non. Dire cela, c'est aller absolument à l'encontre de la réalité historique sur laquelle tout le monde est aujourd'hui à peu près d'accord. D'abord, au XVIIe siècle, mieux vaut parler d' "ordres" que de "classes". Ensuite, tous les ordres (ou toutes les classes) profitent du système de l'esclavage des Africains. Depuis le noble de cour qui vit des rentes de l'esclavage jusqu'au matelot embarqué sur le navire de traite, en passant par le prêtre, qui fait semblant de croire que l'Africain est malgré tout un homme, et l'armateur bordelais, qui ne s'embarrasse pas de telles subtilités, il y a un consensus absolu dans l'opinion dominante (à de très rares exceptions près) pour déshumaniser l'homme nègre qui n'est - presque tous en conviennent - qu'une chose, une marchandise. Le racisme, dont le principe est de justifier cette exploitation, repose de manière absolue sur l'essentialisation de la couleur.
Non, il n'y a pas de racisme qui "dépasserait" la couleur et qui s'appliquerait indifféremment aux "blancs" ou aux "noirs". Les différences de condition qui règlent les rapports entre un maître et sa domestique n'ont rien, absolument rien, à voir avec les relations entre un colon et une esclave, laquelle n'est pas considérée comme un être humain, mais seulement comme un objet de jouissance qu'on peut impunément violer, torturer et, à la limite, mettre à mort. La domestique reste aux yeux du maître, même si elle si elle est exploitée et méprisée, une femme. Si le viol n'est, à l'époque, qu'une circonstance aggravante du rapt et de l'adultère, le rapt et l'adultère, transgressions de l'ordre social, sont punis.
Conclusion : la désinformation historique sur ces sujets alimente, de toute évidence, l'actuelle relativisation du racisme par l'extrême droite.
Sur une autre remarque concernant la critique du fait que je "victimiserais" les "noirs".
D'abord, ceux qui, dans l'humanité, distinguent des "noirs" et des "blancs", n'ont rien à faire parmi mes amis. Et je les invite à en tirer toute de suite les conséquences.
Ensuite, ceux que les Européens ont stigmatisés comme "noirs" ont bien été victimes de cette stigmatisation et des effets économiques, sociaux et culturels, qu'elle a produits et qu'elle produit encore.
L'esclavage des Africains est un crime contre l'humanité. Le racisme est un délit.
Pour le nier, il faut vraiment être un imbécile complet ou un fieffé salaud.
Pour en finir avec cette histoire de racisme "anti-blancs".
Entre le XVe et le XVIIe siècle, les Européens ont inventé les races et le racisme pour exclure de l'humanité les Africains qui ne leur demandaient rien et, de là, les exploiter de manière génocidaire comme cela a été fait à partir du XVIIIe siècle. La situation perdure, sous d'autres formes et d'autres appellations. Ce sont les Européens, pas les Africains, qui ont divisé l'humanité en "noirs" à exploiter et en "blancs" exploiteurs. Ce sont les Européens, pas les Africains, qui se sont abattus comme des sauterelles sur tous les continents pour sucer le sang des hommes et des bêtes, couper les arbres, vider la terre de ce qu'elle contient, affamer les survivants et les pousser au désespoir et à l'exil. L'exploitation sociale justifiée par le racisme à l'intérieur de nos frontières, l'exploitation coloniale justifiée par le racisme à l'extérieur me semblent assez manifestes pour que les bourreaux ne viennent pas en plus se poser impunément en victimes. Les "races" pour diviser l'humanité, le racisme qui en découle fatalement sont des perversions utiles à l'exploitation des Africains et de leurs descendants. Ni les Africains ni leurs descendants ne sont responsables des conséquences de ce système infernal qu'ils n'ont pas inventé, dont ils n'ont jamais profité. L'histoire a montré que le racisme, imaginé pour exploiter et détruire les Africains pouvait aussi se retourner contre les Européens. Et s'il y a eu du racisme "anti-blancs", il me semble que c'était dans les années quarante. On ne peut pas en imputer la responsabilité aux Africains, aux Antillais qui ont donné leur vie pour lutter contre le racisme, y compris ce racisme-là, ni aux Afro-Américains qui ont libéré les camps.
Ceux qui, au XXIe siècle, pour stigmatiser les Africains, les Antillais et les musulmans, osent parler de « racisme anti-blanc » alors que le racisme ne vise justement que les Africains, les Antillais et les musulmans, devraient savoir que le seul « racisme anti-blanc » qu’on ait jamais vu, c’est le nazisme, stade suprême du racisme, qui n’était le fait, que je sache, ni des Africains, ni des Antillais, ni des musulmans.
Claude RIBBE.
Né à Paris le 13 octobre 1954, Claude Ribbe est un ancien élève de l’École Normale Supérieure de la rue d'Ulm, où il fut l'élève de Louis Althusser et de Jacques Derrida, agrégé de philosophie, il a enseigné et occupé divers postes dans l'administration ou les cabinets ministériels (Centre national du cinéma, cabinets des ministres de l’Éducation et de la Justice).Attaché aux principes républicains et opposé à l'assignation « ethnique » développée par certains idéologues, il est devenu le spécialiste d'une histoire de la « diversité » dont la France n'avait jamais voulu admettre l'existence.
Il est notamment l'auteur de Alexandre Dumas, le Dragon de la Reine, un ouvrage consacré au général Dumas (2002), a valu à Claude Ribbe de prononcer une allocution au Sénat lors du transfert des cendres de l’écrivain Alexandre Dumas - le fils du général - au Panthéon (30 novembre 2002).
Le chevalier de Saint-George (Perrin, 2004).Biographie. Le premier ouvrage à rétablir la vérité sur le chevalier de Saint-George, dont certains auteurs peu scrupuleux avaient altéré la biographie en recopiant des romans du XIXe siècle. L'ouvrage a inspiré à Bartabas un spectacle équestre écrit par Claude Ribbe et joué à Versailles devant 50 000 spectateurs en 6 représentations (août-septembre 2004).
Le Crime de Napoléon (Privé, 2005) Pamphlet. contre la politique raciste et esclavagiste menée par Bonaparte en France et dans les colonies à partir de 1802. Cet ouvrage a été traduit au Brésil (Os Crimes de Napoleao 2008), en Italie et en Chine. Le Crime de Napoléon a permis de réexaminer les origines du racisme français.
Le Diable noir (Alphée Jean-Paul Bertrand, 2008). Biographie. L'aboutissement des recherches biographiques consacrées au général Dumas et se fonde sur des documents inédits, notamment la correspondance des compagnons du général (adaptation en documentaire pour la télévision). Il a siégé, de 2005 à 2008, la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme (CNCDH).