UHURU
En me renversant, on n’a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l’arbre de la liberté des Noirs ; il repoussera par les racines, car elles sont profondes et nombreuses.
Dans le cadre des commémorations sur l’abolition de l’esclavage organisées en France et outre-Atlantique, il nous est apparu capital d’entamer une réflexion sur ce que les historiens appellent le « Columbian exchange », dans le domaine de l’histoire des idées et l’histoire culturelle. De part et d’autre de l’Atlantique, des idées et des cultures foisonnantes provenant d’Afrique, d’Europe et des Amériques, ont façonné le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui.
Le Bill of Rights rédigé par James Madison est un exemple de cette circulation des idées d’un continent à l’autre. Présentée le 8 juin 1789 devant le Congrès des Etats-Unis, la déclaration des droits devait introduire 10 amendements à la constitution américaine, dont le premier Amendement garantissant la liberté de religion, la liberté d’expression, la liberté d’expression, la liberté de presse et la liberté de réunion. La même année en France était proclamée la célèbre déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.
Cinq siècles auparavant la Charte du Manden (inscrite en 2009 sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l'UNESCO) proclamée à Kouroukan Fouga sous l’égide du souverain de l’empire du Mali, Soundiata Keïta, mettait en exergue le principe fondamental de liberté. 278 ans avant les déclarations Américaine et Française, plusieurs années avant son compatriote le juriste et théologien Francisco Vitoria, le dominicain Antón Montesinos dans son fameux sermon de décembre 1511, faisait entendre la première puissante exclamation européenne des droits humains.